Courtesy of Woluwe Saint Lambert

LES COMMUNES BRUXELLOISES AU CŒUR DE LA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE

Dernière mise à jour: 18 juin 2021
Dans cette édition, nous nous sommes entretenus avec Philippe Rossignol, secrétaire communal de Berchem-Sainte-Agathe et président de la Fédération des secrétaires communaux de Bruxelles.

 

Depuis le 18 mars 2020, notre vie à toutes et tous a été bouleversée en Belgique, le premier confinement entre en vigueur à midi. Nos vies familiale et sociale s’arrêtent et notre vie professionnelle ne sera plus jamais comme avant.
Les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles nous avaient plongés dans un désarroi total et déjà largement éprouvés notre capacité de résilience mais ici c’est un tsunami qui nous submerge. 


Les Etats du monde entier ont été contraints de prendre des mesures drastiques avec des conséquences significatives dans toutes les facettes de la société. 
Mettre une ville en confinement est relativement facile, mais restituer une liberté progressive aux citoyens est une autre paire de manches ! 
Et c’est bien à ce moment-là que les gouvernements font appel à l’expertise des Communes. Et quand on dit Communes, on parle en réalité des directeurs généraux, qu’on nomme toujours secrétaires communaux en Région bruxelloise.


Nous sommes devenus des managers de crise qui devons à la fois gérer les conséquences de la pandémie, organiser une nouvelle forme de vie normale et de surcroît rattraper le retard dans l’exécution des politiques locales. Et comme souvent, les pouvoirs locaux prennent en charge ce que le niveau régional ou fédéral décide mais n’arrive pas à réaliser.


Certains d’entre vous connaissent la complexité des structures de l’Etat Belge et ses composantes. Parfois cela mène à des situations surréalistes … nous n’avons pas moins de 8 ministres de la santé : un.e ministre fédéral, un.e ministre flamand, un.e ministre wallon, deux ministres pour Wallonie-Bruxelles, un.e ministre pour la Commission communautaire commune et la Commission communautaire française, un.e ministre pour la Commission communautaire commune et la Commission communautaire flamande et un.e ministre pour la communauté Germanophone !
Par chance, un visionnaire a un jour prévu dans notre constitution un mécanisme qui prévoit un Comité de concertation dans lequel les différents représentants des composantes du pays se concertent et décident, notamment en matière de gestion de pandémie.
Malheureusement, il n’y a pas de représentant des pouvoirs locaux dans cet organe… bien que ce soient les communes qui exécutent les décisions fédérales et en sont souvent responsables.


Dans un premier temps, le contrôle des mesures de confinement consistait à fermer des parties de l’espace public, empêcher les déplacements afin d’éviter les contacts entre personnes et s’assurer que la population dispose de masques à défaut de stocks fédéraux détruits quelques années auparavant et non reconstitués depuis… Les fameux masques, accessoire indispensable à notre sécurité… Nous vous ferons grâce des péripéties auxquelles nous avons été confrontées, une succession de mauvaises blagues belges. Les communes ont dû faire des miracles pour trouver des masques chirurgicaux pour leurs agents municipaux restés sur le pont durant toute la pandémie et pour les citoyens. Finalement, les réseaux sociaux ont fait émerger une solidarité qui a permis de faire appel à des citoyens volontaires pour confectionner des masques en tissu… et ainsi permettre aux institutions de soins et de santé de ne jamais être dépassées et de continuer à fonctionner!


Les crèches vont rester ouvertes, les institutions scolaires vont fermer 3 mois puis vont rouvrir également, à distance, puis dans des formules hybrides. 
Le télétravail est devenu obligatoire… mais il a fallu assurer la continuité des services au niveau local, alors que les pouvoirs locaux n’ont jamais été inventoriés comme services essentiels dans les arrêtés fédéraux. Vous lisez bien des arrêtés ministériels … la Belgique ne connaît légalement pas l’état d’urgence et, à ce jour, nous ne disposons toujours pas d’une loi votée au niveau fédéral pour faire face à des pandémies !
En parlant de pandémie, nos agents n’ont évidemment pas été épargnés, malgré les mesures prises (masques, distanciation sociale, gel pour les mains, désinfection des locaux, pose de protection en plexi, …) la fermeture régulière de crèches, de classes, de services entiers rythment nos journées depuis un an et demi. Une charge psychosociale supplémentaire s’est donc installée et le cycle éternel d’organisation et de réorganisation s’est accéléré.
Mais le plus complexe restait à venir dans le deuxième temps: le déconfinement ! Vous imaginez bien … le Comité de concertation … les 8 ministres de la Santé … les autres ministres compétents des Communautés (Enseignement, Petite Enfance, Sport, Culture, …) des règles fédérales qui évoluent constamment à en perdre son latin… des protocoles des Communautés apparaissent et toute la responsabilité de l’articulation de tout cela, repose sur les pouvoirs locaux et les Bourgmestres (Maires). La police aussi en bave lors des contrôles du respect de toutes ces mesures prises. Je ne dois pas vous faire de dessin quant aux difficultés de mettre en œuvre cette lasagne institutionnelle. Après la peur, la souffrance économique et psychologique… la révolte gronde, la soif de liberté grandit de mois en mois.


Pour le « testing et tracing » il en est de même … les pouvoirs locaux peuvent aller à la recherche des récalcitrants qui ne veulent pas se faire tester ou rester en quarantaine … 
La vaccination par contre, où les communes disposent d’un certain savoir-faire pour l’organisation logistique de ce genre d’opérations d’ampleur (nous organisons toutes les élections), n’a pas été confiée aux communes en Région de Bruxelles-Capitale.

 


Par chance, notre pays a connu des artistes hors pairs qui ont « inventé » le surréalisme … derrière lequel la Belgique, ses élus et ses habitants peuvent se cacher … Et la situation décrite n’est donc pas surréaliste … Merci Magritte !

 

 

N’étant pas pessimiste de nature, je suis tenu de terminer par une touche positive et de regarder le résultat final : les pouvoirs locaux, leurs élus, leur personnel ont fait preuve de résilience dans une période difficile de notre histoire, aussi grâce à une collaboration et une solidarité intercommunale.
Nous avons, à juste titre, applaudi chaque soir le personnel médical et soignant pendant des mois et je pense que le personnel communal mérite la même chose!
Nous avons montré notre professionnalisme et nos atouts pendant cette période hors du commun: adaptabilité, résilience, continuité, proximité avec la population, écoute, créativité dans la recherche de solutions et surtout beaucoup de courage et de persévérance !
 

 

Catégorie: Sécurité communautaire