LES COMMUNES BRUXELLOISES AU CŒUR DE LA GESTION DE LA CRISE SANITAIRE
Depuis le 18 mars 2020, notre vie à toutes et tous a été bouleversée
en Belgique, le premier confinement entre en vigueur à midi. Nos vies
familiale et sociale s’arrêtent et notre vie professionnelle ne sera
plus jamais comme avant.
Les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles
nous avaient plongés dans un désarroi total et déjà largement éprouvés
notre capacité de résilience mais ici c’est un tsunami qui nous submerge.
Les Etats du monde entier ont été contraints de prendre des
mesures drastiques avec des conséquences significatives dans toutes
les facettes de la société.
Mettre une ville en confinement est
relativement facile, mais restituer une liberté progressive aux
citoyens est une autre paire de manches !
Et c’est bien à ce
moment-là que les gouvernements font appel à l’expertise des Communes.
Et quand on dit Communes, on parle en réalité des directeurs généraux,
qu’on nomme toujours secrétaires communaux en Région bruxelloise.
Nous sommes devenus des managers de crise qui devons à la fois
gérer les conséquences de la pandémie, organiser une nouvelle forme de
vie normale et de surcroît rattraper le retard dans l’exécution des
politiques locales. Et comme souvent, les pouvoirs locaux prennent en
charge ce que le niveau régional ou fédéral décide mais n’arrive pas à réaliser.
Certains d’entre vous connaissent la complexité des structures de
l’Etat Belge et ses composantes. Parfois cela mène à des situations
surréalistes … nous n’avons pas moins de 8 ministres de la santé :
un.e ministre fédéral, un.e ministre flamand, un.e ministre wallon,
deux ministres pour Wallonie-Bruxelles, un.e ministre pour la
Commission communautaire commune et la Commission communautaire
française, un.e ministre pour la Commission communautaire commune et
la Commission communautaire flamande et un.e ministre pour la
communauté Germanophone !
Par chance, un visionnaire a un jour
prévu dans notre constitution un mécanisme qui prévoit un Comité de
concertation dans lequel les différents représentants des composantes
du pays se concertent et décident, notamment en matière de gestion de
pandémie.
Malheureusement, il n’y a pas de représentant des
pouvoirs locaux dans cet organe… bien que ce soient les communes qui
exécutent les décisions fédérales et en sont souvent responsables.
Dans un premier temps, le contrôle des mesures de confinement
consistait à fermer des parties de l’espace public, empêcher les
déplacements afin d’éviter les contacts entre personnes et s’assurer
que la population dispose de masques à défaut de stocks fédéraux
détruits quelques années auparavant et non reconstitués depuis… Les
fameux masques, accessoire indispensable à notre sécurité… Nous vous
ferons grâce des péripéties auxquelles nous avons été confrontées, une
succession de mauvaises blagues belges. Les communes ont dû faire des
miracles pour trouver des masques chirurgicaux pour leurs agents
municipaux restés sur le pont durant toute la pandémie et pour les
citoyens. Finalement, les réseaux sociaux ont fait émerger une
solidarité qui a permis de faire appel à des citoyens volontaires pour
confectionner des masques en tissu… et ainsi permettre aux
institutions de soins et de santé de ne jamais être dépassées et de
continuer à fonctionner!
Les crèches vont rester ouvertes, les institutions scolaires vont
fermer 3 mois puis vont rouvrir également, à distance, puis dans des
formules hybrides.
Le télétravail est devenu obligatoire… mais il
a fallu assurer la continuité des services au niveau local, alors que
les pouvoirs locaux n’ont jamais été inventoriés comme services
essentiels dans les arrêtés fédéraux. Vous lisez bien des arrêtés
ministériels … la Belgique ne connaît légalement pas l’état d’urgence
et, à ce jour, nous ne disposons toujours pas d’une loi votée au
niveau fédéral pour faire face à des pandémies !
En parlant de
pandémie, nos agents n’ont évidemment pas été épargnés, malgré les
mesures prises (masques, distanciation sociale, gel pour les mains,
désinfection des locaux, pose de protection en plexi, …) la fermeture
régulière de crèches, de classes, de services entiers rythment nos
journées depuis un an et demi. Une charge psychosociale supplémentaire
s’est donc installée et le cycle éternel d’organisation et de
réorganisation s’est accéléré.
Mais le plus complexe restait à
venir dans le deuxième temps: le déconfinement ! Vous imaginez bien …
le Comité de concertation … les 8 ministres de la Santé … les autres
ministres compétents des Communautés (Enseignement, Petite Enfance,
Sport, Culture, …) des règles fédérales qui évoluent constamment à en
perdre son latin… des protocoles des Communautés apparaissent et toute
la responsabilité de l’articulation de tout cela, repose sur les
pouvoirs locaux et les Bourgmestres (Maires). La police aussi en bave
lors des contrôles du respect de toutes ces mesures prises. Je ne dois
pas vous faire de dessin quant aux difficultés de mettre en œuvre
cette lasagne institutionnelle. Après la peur, la souffrance
économique et psychologique… la révolte gronde, la soif de liberté
grandit de mois en mois.
Pour le « testing et tracing » il en est de même … les pouvoirs
locaux peuvent aller à la recherche des récalcitrants qui ne veulent
pas se faire tester ou rester en quarantaine …
La vaccination par
contre, où les communes disposent d’un certain savoir-faire pour
l’organisation logistique de ce genre d’opérations d’ampleur (nous
organisons toutes les élections), n’a pas été confiée aux communes en
Région de Bruxelles-Capitale.
Par chance, notre pays a connu des artistes hors pairs qui ont «
inventé » le surréalisme … derrière lequel la Belgique, ses élus et
ses habitants peuvent se cacher … Et la situation décrite n’est donc
pas surréaliste … Merci Magritte !
N’étant pas pessimiste de nature, je suis tenu de terminer par une
touche positive et de regarder le résultat final : les pouvoirs
locaux, leurs élus, leur personnel ont fait preuve de résilience dans
une période difficile de notre histoire, aussi grâce à une
collaboration et une solidarité intercommunale.
Nous avons, à
juste titre, applaudi chaque soir le personnel médical et soignant
pendant des mois et je pense que le personnel communal mérite la même
chose!
Nous avons montré notre professionnalisme et nos atouts
pendant cette période hors du commun: adaptabilité,
résilience, continuité, proximité avec la population, écoute,
créativité dans la recherche de solutions et surtout beaucoup
de courage et de persévérance !